Alain Brumont, Château Montus : le pape du Madiran

Reconnu comme l'un des meilleurs vignerons du monde, Alain Brumont est en tout cas considéré dans ses terres comme le pape du Madiran, le sauveur du cépage tannat, l'homme providentiel des terroirs de Haute-Bigorre et de Gascogne. Mais qui est vraiment cet homme et pourquoi lui attribue-t-on un tel prestige encore aujourd'hui ? Gaspard vous dévoile tout.

Un enfant du pays

A 17 ans, Alain Brumont commence à travailler pour son père, lequel est alors propriétaire du Château Bouscassé, berceau familial situé dans le Gers où l'homme a vu le jour. Durant trois ans, il travaille à la dure, sans paye et sans compter ses heures. Puis, un jour, il claque la porte et se met en tête d'acquérir une propriété voisine totalement délabrée, pour se prouver autant à lui-même qu'à son père que les terres madiranaises peuvent produire de grands vins. Cette propriété qui fait grise mine, c'est le Château Montus, dans les Hautes-Pyrénées, qu'Alain Brumont peut se payer grâce à l'argent qu'il a obtenu de la revente d'un moulin que son grand-père lui avait légué et qu'il a retapé sur son temps libre. Pour l'anecdote, le moulin a obtenu entre temps le prix de la meilleure restauration de gîtes ruraux du Sud-Ouest.

De Montus à Bouscassé, la révolution Brumont

Au Château Montus, Alain Brumont comprend vite que le cépage tannat porte en lui toutes les caractéristiques d'un grand vin, capable de rendre ses lettres de noblesse à un terroir où, dans les années 1980, les viticulteurs du coin ne cherchent qu'à "faire pisser la vigne" pour faire du rendement, beaucoup de rendement. Pour avoir cette ambition aussi rarissime qu'avant-gardiste pour l'époque, l'homme fait l'objet de railleries. Mais il en faut plus pour le décourager. Très peu de temps après l'acquisition du Château Montus, son père lui lègue les 17 hectares du Château Bouscassé. Désormais, Alain Brumont dispose de deux terrains de jeu pour cultiver la vigne. Dans le domaine familial, il se fascine pour les sols argileux du vignoble, composés d'argiles blanches, brunes, rouges et bigarrées, offrant une remarquable fraîcheur aux vins qui en sont issus. D’ailleurs surnommé "Le Pied de Côte de Saint-Emilion" parce qu'il procure aux cépages la capacité de produire des vins d'une grande finesse et dotés d'un fort potentiel de garde, à l'image des grands vins de Bordeaux, le terroir qui longe la falaise de Maumusson-Laguian fait l'objet de toutes les attentions d'Alain Brumont, qui y développe la culture du tannat. A Montus, où le terroir est totalement différent puisque composé de calcaires et de galets roulés dont aucun vigneron n'a voulu parce que jugé trop pénible à travailler, il comprend vite qu'il tirera tout à fait autre chose de ces sols très drainants et chauds, capables de conférer une maturité optimale aux raisins.

L'homme qui n'en faisait qu'à sa tête

Petit à petit, Alain Brumont parvient à faire ce que personne n'a réussi à faire jusque-là : dompter le tannat, le cépage autochtone dont les paysans du coin ne veulent plus entendre parler car jugé trop rustique. Pour lui accorder une place de plus en plus importante dans chacun de ses vignobles, le vigneron ne se fait pas que des amis et finit même par s'attirer les foudres de l'INAO qui lui reproche de ne pas apporter assez d'engrais à la terre. Sauf que pour Alain Brumont, fin connaisseur de ses terroirs qu'il observe depuis sa plus tendre enfance, hors de question de toucher à la composition de ses sols. Le vigneron n'en fait qu'à sa tête et, finalement, au début des années 80, commence à vinifier ses jus de raisins. Une visite au Château Mouton-Rothschild, d'où il repart avec quelques barriques, lui permet d'élever son vin pendant deux ans pour assouplir ses tanins. Quand le premier millésime d'Alain Brumont voit le jour en 1985, sous le nom "Montus Prestige", la presse l'acclame. La qualité du vin est telle que de grands dégustateurs internationaux le surnomme "le Petrus du Madiran". C'est désormais de notoriété publique : le vigneron est capable de produire des grands vins de Madiran et de redonner toute sa splendeur à l'appellation. 

Petit à petit, il développe ses vignobles, plante du tannat mais surtout, n'écoute que son instinct. Quand ses voisins récoltent 30 grappes par pieds, lui n'en récolte que 8 maximum. Et comme personne ne veut des terroirs abrupts de Madiran et que l'heure est plutôt à l'exode rural, il a tout loisir d'acquérir les meilleurs secteurs de l'appellation, ce qui lui sera injustement reproché des années plus tard.

Le pape de Madiran

Parti de 17 hectares au Château Bouscassé, Alain Brumont porte petit à petit la superficie totale du domaine familial à l'honorable taille de 112 hectares.

Parti de rien au Château Montus, 106 hectares de vignes en composent aujourd'hui le vignoble.

L'un dans l'autre, l'homme finit par détenir près de 90% de l'appellation Madiran.

Aujourd'hui, les paysans inamicaux ont cédé leur place à de jeunes générations, dont certains enfants n'ont pas hésité à pousser les portes des propriétés Brumont pour demander à apprendre du meilleur.

Enfin conscients que "la critique est aisée mais l'art est difficile", les locaux ont fini par accorder au vigneron le mérite d'avoir su dompter un cépage difficile et d'avoir tiré la qualité des vins de Madiran vers le haut.

La signature Brumont

Du Château Bouscassé au Château Montus, Alain Brumont n'a qu'un seul objectif en tête et ce, depuis les années 80  : "composer la partition idéale entre cépages et terroirs et donner à son vin ce supplément d'âme qui fera de lui un vin exceptionnel et unique.". 

Pour y parvenir, aucun insecticide dans les vignes, pas plus d'intrant chimique, et un enherbement partiel dans les deux vignobles. 

Côté vinifications, un tri minutieux de chaque baie est effectué avant l'encuvage. Durant les fermentations, le vigneron limite les extractions et ne pratique pour cela aucun remontage. Lorsque ces dernières sont terminées, seuls les jus de goutte sont collectés, afin de ne conserver que les tanins les plus fins et obtenir ainsi les vins les plus élégants possibles. Enfin, les vins sont élevés durant deux ans en barrique de bois neuf, toujours en vue d'assouplir les tanins.

Dans le verre, les vins d'Alain Brumont, et notamment les vins d'appellation Madiran, se distinguent depuis toujours pour leur puissance conjuguée à une remarquable élégance que portent des tanins d'une rare finesse.

Parmi les cuvées iconiques qui ont fait la réputation de l'homme qui murmurait à l'oreille du tannat, il y la cuvée Montus, suave, profonde et élégante ; la cuvée Montus XL, riche, profonde, complexe et concentrée ; la prestigieuse cuvée La Tyre, issue du plus haut coteau de l'appellation Madiran, qui, considérée parmi les plus grands vins français, conjugue finesse de tanins, équilibre, fraîcheur et harmonie.