Les viticulteurs confrontés à la pénurie des bouteilles en verre

Une crise sans précédent touche l'ensemble des producteurs de vin qui ne parviennent plus à s'approvisionner en bouteilles en verre. Après deux ans de difficultés et de tensions, la situation est désormais devenue critique. Conséquence de plusieurs facteurs, les vignerons tirent la sonnette d'alarme et viennent de demander l'intervention de Bercy pour trouver des solutions. 

Mais quelles sont les causes et les répercussions d'une telle pénurie et existe-t-il des solutions alternatives ? Gaspard fait le point. 

Les causes de la pénurie de bouteilles en verre

A l'origine de la crise verrière, la pandémie de Covid-19

Première cause du déséquilibre du marché de la production de verre, la pandémie de COVID-19, qui a occasionné de nombreuses et douloureuses difficultés d'approvisionnement pour les vignerons de France et de Navarre. La demande en verre, d'abord, a considérablement diminué durant la pandémie, ce qui a incité les verreries à réduire leur activité, quand d'autres ont été contraintes de fermer. Une période de sous-activité à laquelle, pour ne rien arranger, se sont rajoutées des perturbations logistiques qui ont entraîné des retard dans les livraisons de matières premières. Soulignons également qu'avant la crise sanitaire, la Chine exportait une quantité importante de verre à destination des Etats-Unis mais que l'envolée du prix des containers a contraint la filière viticole américaine à s'approvisionner en Europe, favorisant une pénurie anticipée. Quand cette pénurie a pointé le bout de son nez, de nombreux vignerons se sont mis à surstocker, exacerbant encore plus le problème. A toutes ces difficultés qui ont fortement désorganisé les industries, la demande mondiale en vin à la sortie de la crise sanitaire s'est révélée supérieure à l'avant crise, générant un besoin accru de bouteilles en verre de la part des vignerons afin de pouvoir embouteiller leurs vins restés en cuve. Cette instabilité entre une offre trop basse et une demande trop importante a généré de surcroit une inflation des prix du verre de l'ordre de 10 à 15%, mettant les viticulteurs dans une position très inconfortable, d'autant plus que le millésime 2021 n'avait déjà pas été généreux en volumes de production, et donc en chiffre d’affaires.

La guerre en Ukraine : le coup fatal

Le 24 février 2022, la Russie déclarait la guerre à l’Ukraine. Dans la foulée, le prix des matières premières s'envolait, à commencer par celui des coûts de l'énergie, poussant de nombreuses verreries à tourner au ralenti. Car oui, produire du verre a un coût énergétique très lourd : pour une tonne de verre, il ne faut pas moins de 105kg de fioul pour faire fonctionner les fours dont la température avoisine les 1500°C.

Mais ce n'est même pas seulement le problème de l'augmentation brutale des prix de l'énergie qui paralyse aujourd'hui la filière. Car, on ne le sait peut-être pas, mais l'Ukraine est aussi l'un des plus gros producteurs de verre en Europe. Avec 7 verreries réparties sur l'ensemble de son territoire et une offre particulièrement axée sur la production de verre blanc, le pays entretenait jusque-là d'étroites collaborations commerciales avec les distributeurs français qui en revendaient les stocks. Inutile de préciser que ces usines ne fonctionnent pas correctement, ce qui aggrave une pénurie dont le stade dépasse désormais largement le simple stade du « préoccupant ».

Les répercussions d'une telle pénurie

Fortement handicapés par cette situation sans précédent, les vignerons ne parviennent plus à honorer les commandes. Un comble après une belle reprise de la demande en vins post-Covid. Si certains sont parvenus à anticiper les ruptures et à acheter une grande quantité de bouteilles pour ne pas risquer de passer l’année sans pouvoir embouteiller leurs nectars, d’autres doivent composer au jour le jour.

Face à cette véritable urgence économique, de nombreux syndicats viticoles ont alerté le ministère de l'Economie et demandent à Bercy d’arbitrer un dialogue entre les verreries et les vignerons afin de trouver des solutions pour pallier les délais effrayants de livraison.

Notons par ailleurs qu’au-delà des difficultés d’approvisionnement, la hausse du prix du verre alarme également la filière viticole qui redoute de nouvelles augmentations de l’ordre de 35 à 40% d’ici à cet été.

Quelles solutions pour demain ?

Le retour de la consigne

D'abord initiée par un souci écologique, l'idée de remettre au goût du jour la consigne des bouteilles en verre est plus que jamais d'actualité.

Impulsée par de nombreuses PME et associations locales, la consigne pourrait bien être l'une des alternatives les plus intéressantes et les plus viables pour pallier la pénurie des bouteilles en verre. Et pour cause, difficile de se passer du verre pour embouteiller le précieux et délicat nectar bachique.

D'ailleurs, partout sur le territoire français, les initiatives en faveur de la consigne se multiplient : "Jean Bouteille", dans le Nord, a vu le jour en 2014. "Ma Bouteille s'appelle Reviens", dans la Drôme, est née en 2017. "Consign'Up", en Occitanie, a rejoint l'aventure l'an dernier. Mais on pourrait aussi citer "Haut la Consigne", dans les Hauts-de-France, "Distro", en Bretagne, ou encore "Bout' à Bout'", dans la Loire. Une liste non exhaustive qui, en ces temps difficiles, tend à se rallonger pour le bonheur de la planète et des vignerons ! 

Quid de l’utilisation d'autres types d'emballage : la cannette

Oui, cela semble bien difficile d'imaginer mettre du vin dans un autre contenant que dans du verre. Et pourtant, certains y croient, à l'instar de Brigitte Després, sommelière et fondatrice de « la Robe du vin ». Son initiative : proposer aux vignerons de commercialiser leurs vins dans des cannettes. Une solution qui permettrait effectivement de remplacer l'utilisation du verre mais qui peine à trouver son public, pour le moment en tout cas. Côté écologie, il n'y a rien à reprocher à l'utilisation de la canette, entièrement recyclable. Mais c'est plutôt côté goût que le packaging inquiète. Pourtant, que les consommateurs se rassurent, l’intérieur de la canette n’a aucun impact sur les arômes du vin. Dotée d'un revêtement spécial qui sépare le nectar du métal, celui-ci conserve toute sa saveur même si sa consommation n'est pas immédiate. Enfin, saluons l'intelligence d'un format non seulement nomade mais aussi de petite taille, capable de répondre aux nouvelles habitudes de consommation des amateurs œnophiles, plus raisonnées et moins souvent domestiques.