Michel Chapoutier, portrait d'un ''colosse aux pieds d'argiles"

Que l'on soit passionné de vin ou simplement amateur du nectar dionysiaque, nous avons déjà tous entendu parler de Michel Chapoutier ou, à minima, de la ''Maison Chapoutier''.

Figure emblématique du monde viticole, l'homme n'est pas seulement à la tête d'une remarquable propriété viticole dans la Vallée du Rhône, il est à la tête d'un empire composé de plusieurs domaines, en France, comme à l’étranger. Surtout, il est à l'initiative de la marque ''M. Chapoutier'', une des marques de vin les plus reconnues et admirées dans le monde entier. Retour sur le parcours hors-norme qui a hissé cet homme d'ambition au sommet de la vitisphère.

La famille Chapoutier, une longue tradition viticole

Si les premières traces de la famille Chapoutier remontent au XVIIème siècle, il est admis que les ancêtres de cette longue lignée familiale étaient tonneliers de père en fils et que c’est d’ailleurs de ce métier qu’est issu le nom ‘’Chapoutier’’, lequel est un dérivé du verbe « chapotar » qui, en provençal, signifie « tailler, découper en petits morceaux ».

Originaire de l’Ardèche, la famille Chapoutier met son premier pied à Tain l’Hermitage sous l’impulsion de Jean Chapoutier, lequel s’y est jadis rendu pour devenir maître tonnelier dans une entreprise installée au pied de la colline de l’Hermitage.

Mais c’est son fils, Polydore, qui, lorsqu’il reprend l’activité de son aïeul, décide de diversifier cette dernière vers le négoce du vin. Nous sommes à la fin du XIXème siècle, et l’homme créé la maison Passat et Chapoutier.

Si, peu de temps après, le phylloxéra ravage tout le vignoble, il en faut plus pour décourager Polydore qui, armé de patience et passionné par son métier, sélectionne au gré de la reconstruction du vignoble, en sélectionne les plus belles parcelles pour vendre les meilleurs vins de la région.

Entre temps, Polydore a donné naissance à un fils, Mathieu, lequel s’associe en 1897 à Rodolphe Delépine, qui dirige alors la Maison Calvet et Compagnie, située à Tain l’Hermitage. En s’associant, l’entreprise change de nom et devient Delépine et Chapoutier.

Au même moment, Marius achète 34 hectares de vignes sur l’Hermitage et devient le plus grand propriétaire de la colline en termes de surface viticole acquise.

Les années qui suivent sont plutôt fastes pour le commerce des vins de la maison, qui s'étend jusqu'en Suisse, en Hollande et en Allemagne.

En 1922, après le départ de Rodolphe Delépine, Marius Chapoutier renomme l'entreprise Chapoutier et Cie et nourrit de grandes ambitions pour ce qu’il veut être plus qu’une seule maison de négoce.

Déjà, l'homme regarde plus loin que les terres qui l'entourent et fait l'acquisition de quelques terroirs argilo-sableux très qualitatifs dans le Lubéron, en Provence.

En 1929, il fait construire la première cuverie Chapoutier pour produire son propre vin, convaincu que ses syrahs valent mieux que d’être systématiquement acheminées à Bordeaux, où elles servent à améliorer les vins.

Très impliqué dans le développement des terroirs du Rhône et particulièrement dans ceux de l’Hermitage, dont il veut prouver la qualité à travers le monde entier, Marius transmet le virus à son fils, Marc, qui reprend l'affaire en 1937, au moment de la création de l'AOC Hermitage.

Durant une cinquantaine d'années, l'homme perpétue le savoir-faire familial et donne à son tour naissance à un fils, Max, qui reprendra le domaine au milieu du XXème siècle.

En 1965, il donne naissance à Michel Chapoutier qui, fait du même bois que ses aïeux, s'imposera lui aussi en précurseur de l'appellation, aussi bien dans sa conception de la conduite de la vigne que dans la façon de faire du vin.

Michel Chapoutier : une approche unique et avant-gardiste

Né à Tain-l'Hermitage en 1965, Michel Chapoutier a été immergé dans l'univers de la viticulture dès son plus jeune âge. S'il a indubitablement appris un certain nombre de choses auprès de son père et de son grand-père, en observant leur travail au domaine familial mais aussi derrière le téléphone où ils assuraient les ventes, l'homme s'est toujours affirmé comme un autodidacte, boulimique d'un savoir viticole qu'il est parti explorer bien loin de ses terres natales, notamment dans le vignoble californien où il a passé de nombreux étés et a appris auprès des plus grands experts. Là-bas, il apprend à faire des vins où la qualité prédomine sur les notions d'appellation et, surtout, il apprend à faire des vins axés sur les goûts des clients, ce que l'on ne fait pas en France.

Aussi, quand il rejoint le domaine familial en 1987, il reprend le travail qu'avait amorcé non pas son père mais son arrière-grand-père, Marius, dont il se sent le plus proche en termes d'approche viticole de valorisation des terroirs.

Agé de seulement 26 ans, il est déjà convaincu que "la qualité du vin est déterminée par la qualité du raisin". Ainsi, Michel Chapoutier s'attache à produire des raisins de qualité supérieure, en utilisant des techniques agricoles respectueuses de l'environnement et devient un précurseur de la biodynamie.

Pour lui, le ''style Chapoutier'' ne doit pas prendre le dessus sur l'expression du terroir dans le vin final. Une conception tout à fait révolutionnaire qui lui a permis de produire les vins les plus fins et équilibrés de l'appellation, rapidement distingués à l'échelle nationale comme internationale.

Et pour cause, en quelques années seulement, les vins de la Maison Chapoutier sont parmi les plus côtés de la Vallée du Rhône et le dégustateur international Robert Parker lui attribue même la rarissime note de 100 points sur 100. Une consécration.

30 ans plus tard, pour avoir porté la surface de son vignoble du Rhône à près de 350 hectares, le vigneron est à la tête du plus grand domaine viticole en biodynamie de France et de l'un des plus grands d'Europe.

Ici, sur les terroirs qu'ont travaillé ses ancêtres avant lui, l'homme peut se targuer d'avoir été l'un des pionniers du concept même de "vin de terroir", avec au moins 20 ans d'avance.

Des sélections parcellaires aux vins "faciles à boire", il créé des vins pour tout le monde, pour toutes les bourses et à destination des 4 coins du globe, où ses vins s'exportent dans plus de 110 pays.

Economiquement, il a multiplié le chiffre d’affaires du domaine par 25 en l'espace de 20 ans, des résultats qui en disent long sur le rayonnement de la marque M. Chapoutier.

De la France au reste du monde : l'amour des terroirs

En bon terrien, Michel Chapoutier est amoureux. Amoureux de la culture, de la cuisine, de l'art... Amoureux des terroirs, surtout. En France, à l'étranger, l'homme chine des terroirs où personne n'aurait osé faire du vin avec un seul but : en révéler le potentiel.

En 1998, il acquiert un premier domaine en Australie. Deux ans plus tard, c'est dans le Roussillon que sa soif de découvertes l'amène, avec l'acquisition du remarquable domaine de Bila-Haut. En 2007, les terroirs du Portugal l'inspirent tant qu'il y créé le domaine Dos Lusiadas, sur un terroir hostile de la Vallée du Douro, marqué par des hivers rigoureux et des étés caniculaires. En Alsace, dans le Beaujolais, dans le Gard, en Espagne… partout où l'homme passe, il entrevoit le potentiel de futurs grands vins estampillés ''M. Chapoutier''. Des vins qui sont régulièrement salués par la critique et les amateurs de vin du monde entier, reconnus pour leur qualité exceptionnelle, leur finesse et leur complexité aromatique.

Pour ce travail de titan, Michel Chapoutier a reçu de nombreuses distinctions, notamment le titre de "Meilleur vigneron de l'année" décerné par le magazine américain Wine Enthusiast en 2015.

Au-delà du vin, créer des échanges

En marge de son métier de vigneron, l'homme assure par ailleurs une pérennité commerciale à sa marque qu'il développe partout où il le peut, de Paris jusqu'à Lyon en passant par Avignon, à travers un réseau de caves à vins ''Fac & Spera'', en hommage à la devise familiale ''fais et espère'', qu'il implante dans plusieurs villes de France pour faire voyager son univers et créer des connexions au-delà de Tain l'Hermitage.

Amoureux de la gastronomie dont le vin fait partie intégrante, chacune de ces caves est implantée dans un lieu permettant de réunir cuisine et vin, à l'instar des emblématiques Halles Paul Bocuse de Lyon, où il a ouvert la première cave.

Michel Chapoutier collabore par ailleurs régulièrement avec de grand chefs étoilés, à l'instar d'Anne-Sophie Pic, de Yannick Alléno et de Joseph Viola. Avec chacun d'eux, l'homme invente, créé et développe des cuvées uniques et sur-mesure, capables de tirer un formidable trait d'union entre la signature culinaire du chef et la signature œnologique du vigneron.